Namissiguima à Kaya : Un bel exemple de résilience en attendant le retour au ‘’bercail’’
Namissiguima, la belle commune rurale située dans la province du Sanmatenga, région du Centre-Nord, est située à environ 80 kilomètres de la ville de Kaya. Elle reste une localité des plus résilientes dans ce contexte de crise sécuritaire et humanitaire. Près de 16 000 âmes issues de la commune ont été obligées de quitter leur terre pour se retrouver à Kaya et dans les environs. Avec leur Préfet et Président de la Délégation Spéciale, Alpha Ouattara, le sacrifice de servir les populations déplacées internes et hôtes avec le minimum se fait avec enthousiasme et patriotisme.
Jeudi 11 juillet 2024, jour de la tenue de la 2ème session ordinaire de la délégation spéciale de la commune de Namissiguima. La salle exiguë servant de secrétariat est transformée en salle de réunion. Une vingtaine de chaises sont disposées. Dès 8h30, quelques membres de la délégation spéciale arrivent. L’ambiance avant la session est empreinte de convivialité. « J’espère que tout va bien », demande un membre au représentant de la chefferie coutumière et traditionnelle, qui répond par l’affirmative. À 9h, la session débute avec les mots de bienvenue du Président de la Délégation Spéciale, Alpha Ouattara. Puis la vérification du quorum. Le quorum ayant été atteint, le Président présente l’ordre du jour, qui fut adopté par les délégués.
L’ordre du jour s’articulait autour des points suivants : lecture et amendement de la précédente session consacrée à l’examen et à l’adoption du premier budget rectificatif, le vote de deux présidents de commission et les divers. Les échanges sont interactifs et participatifs. À l’unanimité, les présidents des commissions sont votés.
La contribution à l’effort de paix a constitué un point de débat. « Je vous invite vivement à interpeller les filles et les fils de Namissiguima afin qu’ils contribuent à l’effort de paix et à la cohésion sociale, socle d’une paix durable. En 2 ans, nous avons encaissé la somme de 20 000 F. C’est un vieux de près de 70 ans du village qui, l’année dernière, avait donné 10 000 F et, cette année encore, à notre grand étonnement, est revenu avec le même montant pour soutenir la commune. Je voudrais, vu ses efforts, et en votre nom, lui donner une attestation de reconnaissance de la commune », informe le Président de la Délégation Spéciale.
L’établissement des actes d’état civil, principale source de recettes
La dernière attaque terroriste de juillet 2022 a contraint l’ensemble des populations de la commune de Namissiguima à fuir leurs terres. Nommé en conseil des ministres le 3 août 2022, puis installé officiellement le 19 du même mois, le Président de la Délégation Spéciale a entrepris des démarches pour obtenir un bâtiment dans la ville de Kaya servant de bureau pour les services de la mairie en attendant un retour incessant dans sa localité sous emprise terroriste. Avec ses agents, il travaille d’arrache-pied pour offrir les services sociaux de base aux populations déplacées de Namissiguima à Kaya. Le budget est toutefois faible. De 81 millions comme budget annuel, la commune se retrouve aujourd’hui avec moins de 30 millions de FCFA de recettes propres. Ces recettes sont constituées essentiellement des valeurs inactives (timbres) utilisées dans l’établissement des actes d’état civil (actes de naissance, de mariage, de décès, actes divers…).
« En matière de recouvrement, ce n’est pas de la magie, mais ce n’est pas simple. Les recettes propres de la commune de Namissiguima s’établissaient sur les droits de marché, les taxes d’abattage, les agrégats, les charrettes, l’état civil », rappelle Mamadou Ouédraogo, receveur de la commune de Namissiguima. L’État dispose, certes, des fonds pour le fonctionnement des communes, mais Namissiguima espère se réinstaller au plus vite pour davantage contribuer au rayonnement des collectivités.
Une population résiliente, des femmes qui s’activent avec des activités génératrices de revenus
Mamounata Sawadogo est arrivée en août 2022 à Kaya avec ses 7 enfants. Très vite, elle s’intègre dans la communauté et commence la vente de « zoom koom ». Ses principales clientes : les populations de Namissiguima. Chaque jour, elle se rend à la mairie pour proposer ses jus. L’idée d’encourager les femmes en activité vient du Président de la délégation spéciale. « Nous essayons d’être les premiers clients et consommateurs de ce que proposent ces femmes. Que ce soit le zoom koom, le soumbala, les arachides, nous achetons avec elles et invitons d’autres à le faire », indique Alpha Ouattara.
Solange Ouédraogo, présidente de la société coopérative simplifiée Neb La Taaba, ne cesse de saluer le Préfet pour cette initiative. « Le Préfet là, nous-mêmes, on ne sait pas comment on va le remercier. Il est très humain. Que ce soit dans l’encouragement de nos activités ou encore dans le partage des vivres, il n’oublie personne », témoigne-t-elle. Au secteur 5 de Kaya, où elle travaille avec une dizaine de femmes, elles produisent du soumbala, du moringa et des pâtes d’arachide.
Le respect des leaders coutumiers est aussi une valeur promue par le premier responsable de la commune de Namissiguima. Membre de la Délégation Spéciale, Naaba Balbou exprime sa reconnaissance pour la résilience et l’engagement du Préfet à fédérer les populations. « Nous ne savons pas quand est-ce que nous allons retourner chez nous, mais avec le Préfet et les autres autorités, nous nous sentons aussi chez nous à Kaya. Nous sommes considérés et pris en compte dans la gestion des collectivités », renchérit-il.
Quelques villages réinstallés, de moins en moins d’alertes, l’espoir se dessine
« Une lueur d’espoir », note avec satisfaction le Président de la délégation spéciale de la commune de Namissiguima. De moins en moins d’alertes d’attaques terroristes dans la zone, quelques villages ont été réinstallés. Pour l’heure à Kaya, Alpha Ouattara dit être toujours proche de sa population. « On ne peut pas dire que tout est rose, mais la population reste résiliente. Les femmes sont dans des activités génératrices de revenus et les jeunes sont pour la plupart dans de petites organisations qui leur permettent de survivre au quotidien. On essaie de mener des activités de mobilisation comme le sport (football) », informe-t-il.
Pour ce qui concerne l’éducation, l’ensemble des élèves de Namissiguima et leurs enseignants ont été redéployés dans des établissements de Kaya. « L’année dernière, nous avions initié des cours d’appui et de remédiation à certains élèves pendant les vacances et pour la rentrée scolaire, nous espérons, avec l’autorisation des premiers responsables de l’éducation de Kaya, ouvrir un site avec quelques classes pour nos élèves qui n’auront pas de place dans les établissements, en attendant que notre réinstallation soit effective », espère le Préfet. Toutefois, sur le plan sanitaire, les moyens restent limités. Les seules actions sont la prise en charge intégrée des maladies des enfants et quelques sensibilisations et causeries éducatives.
L’entraide entre communes : Namissiguima, Dablo, Pissila, Pibaoré, Kaya, Boussouma et autres, des exemples de patriotisme
Dans le cadre de l’aide humanitaire, à travers le partage des vivres ou encore certaines affaires administratives, les communes déplacées et hôtes se soutiennent mutuellement. En 2023, rappelle le Préfet Alpha Ouattara, la commune de Piboaré avait bénéficié de vivres SONAGESS. « Le PDS a pensé à la commune de Namissiguima en offrant une dizaine de tonnes de vivres à mettre à la disposition de notre population. Il en est de même pour la commune de Dablo qui pense à nous également », informe-t-il.
Bien qu’étant une commune déplacée, Namissiguima apporte sa contribution au développement des collectivités à travers notamment la facilitation de l’établissement des actes d’état civil. « Beaucoup de citoyens, qu’ils soient de Namissiguima centre ou des villages de la commune de Namissiguima, fréquentent la mairie pour bénéficier des services de l’État », précise l’agent du service de l’action sociale.
Namissiguima a espoir et Namissiguima a foi
La crise sécuritaire et humanitaire reste une réalité, reconnaît le Préfet Alpha Ouattara, qui ne perd toutefois pas espoir. « Nous avons foi en nos autorités, nos forces de défense et de sécurité, et les volontaires pour la défense de la patrie qui travaillent pour les réinstallations et le maintien des populations sur place. Progressivement, quelques villages sont en train d’être réinstallés. Nous espérons que d’ici là, le tour de Namissiguima arrive », espère le Président de la Délégation Spéciale.